Confortablement installée dans le Tokaido Shinkansen, le train à grande vitesse qui relie Tokyo à Osaka, je n'ai pas vraiment envie de parler et à partir de Nagoya, c'est mon estomac qui se noue. Le trac s’intensifie à l’approche de Kyoto. Cette exposition est pour moi une première. À Kyoto, la galerie Sugata est proche du château de Nijo et du palais Ninomaru, dans un quartier principalement constitué de petites bâtisses en bois, à deux étages. Pas le temps de flâner dans les nombreuses ruelles et arrière-cours de ce quartier historique, célèbre pour ses boutiques de kimonos. Les deux prochains jours seront consacrés à l’installation de l'exposition imaginée par Mme Araki, directrice de la galerie et son directeur artistique, Mr Imamura. À l’entrée on peut lire « Galerie Sugata, un lieu où les gens peuvent être eux-même ». Mon trac s’arrête avec l’action… Mr Imamura a déjà accroché une gigantesque photo noir et blanc de mon studio sur le mur du fond. Il a également tendu des fils entre les poutres du plafond… une performance acrobatique !! Il nous reste à suspendre et agencer 80 pièces et accessoires de la collection hiver. Mei, une jeune étudiante des beaux-arts, me servira d’interprète. | |
Tout a commencé à Okinawa, début 2017, lorsque Mme Yoshino Taira, présidente de Plaza House (le principal client de la marque au Japon) a rencontré Mme Shigeo Araki, directrice de la galerie Sugata. Cette créatrice aux nombreux talents connaissait déjà ma marque, elle avait acheté quelques vêtements à notre boutique. De cette rencontre, a germé l’idée d’une possible exposition des collections Catherine André dans sa galerie de Kyoto. J’étais honorée par cette opportunité et j'acceptai tout de suite. | |
Dans les mois qui ont suivi, Mr Imamura est passé voir la collection d'hiver dans mon showroom à Osaka. Mais le projet s'est vraiment confirmé un peu plus tard, lorsque j'ai enfin rencontré Mme Araki en janvier 2018. Je découvre une petite femme, extravagante et élégante à la fois, vêtue dans un style assez unique, avec de très longs cheveux noirs et des yeux pétillants. Elle est censée avoir plus de soixante ans mais ne les fait pas. Mr Imamura s'est joint à nous et de cette rencontre va naître la scénographie qui sera présentée en novembre 2018. À l’entrée de la galerie, le visiteur est accueilli par un grand kimono noir, accessoirisé d’une étole Talisman et un mannequin vêtu du caraco Datcha et de la jupe Michka, tenue de la Collection Hiver 2018 inspirée par la Russie du début du XXe siècle. Le kimono noir rappelle l'origine de la galerie, ancienne boutique de kimonos et fait également écho à la tradition des kimonos japonais (comme le souhaitait Mme Araki). À l’intérieur, sur un fond de photos grandeur réelle représentant mon atelier, chaque vêtement s’est transformé en pièce flottante, porté sur un cintre suspendu au plafond par des fils nylon. Mme Araki a complété certaines tenues avec des jupes coupées dans un tissu de coton brut et rigide. La transparence de la matière donne vie, légèreté et mouvement aux vêtements devenus des pièces uniques ! | |
Depuis longtemps cette idée de suspendre mes vêtements me trottait dans la tête. Les présenter comme des natures mortes, les faire entrer dans une autre dimension, éloignée de leur fonction première, afin de jouer avec l’objet me séduisait. | |
Tous les fils sont tendus, les accessoires accrochés, les silhouettes suspendues, le jardin Zen fraîchement ratissé. Sous l’égide de l’imposant kimono noir, le vernissage se prépare. Une étudiante des Beaux-Arts agence des spécialités asiatiques colorées, sur une table en verre recouverte de feuilles d'automne. Dans la soirée, les invités viendront discrètement à la découverte de la collection. L'exposition «Overflowing Life» (La vie débordante), célèbre une collection débordant de vie et d’énergie, «comme un conte d’hiver qui déroule son fil dans le paysage artistique de l’Âge d’Argent en Russie…». |
Photos Catherine André Book de la Collection Hiver 18-19 | |